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août 26, 2010 - Catégorie : Partie 2
Deuxième partie, chapitres 121 à 123
24 août.
Chapitre 121.
Discours d'Arnheim sur la séparation entre ceux qui ordonnent et ceux qui exécutent, qui permet de réalisée des choses dont une personne seule ne serait pas capable d'assumer la responsabilité : exemples de la direction d'une entreprise, de la guerre, de la justice pénale...
« ... partout où se trouvent réunies ces deux forces, d'une part un commettant et d'autre part une administration, le même phénomène automatiquement se produit : tous les moyens possibles d'accroissement sont exploités, qu'ils soient moraux, reluisants ou non. Je dis bien « automatiquement », car ce phénomène est indépendant, à un très haut degré, de la personne. Le commettant n'entre pas en contact immédiat avec les réalisateurs, et les organes de l'administration sont couverts par le fait qu'ils n'agissent pas pour des motifs personnels, mais en tant qu'employés. » (exemples de l'ordre de faire la guerre ou de la condamnation d'un criminel) « Cette « médiatisation » poussée jusqu'à la virtuosité assure aujourd'hui la bonne conscience de chaque individu et de la société tout entière. »
Chapitre 122.
Très beau chapitre sur les incertitudes d'Ulrich, homme de pensée et non, jusqu'à présent, d'action. Homme qui songe au « parce que » et au « pour que » alors que la plupart des gens « aiment la succession bien réglée des faits parce qu'elle a toutes les apparences de la nécessité, et l'impression que leur vie suit un « cours » est pour eux comme un abri dans le chaos. »
La phrase qui suit pourrait s'appliquer, au-delà du cas d'Ulrich, au roman de Musil lui-même et à son mode de narration : « Ulrich s'apercevait maintenant qu'il avait perdu le sens de cette narration primitive à quoi notre vie privée reste attachée bien que tout, dans la vie publique ait déjà échappe à la narration et, loin de suivre un fil, s'étale sur une surface subtilement entretissée. »
Chapitre 123.
Fin de la deuxième partie et du premier volume. Le père d'Ulrich est mort, Ulrich doit quitter Vienne pour se rendre à l'enterrement et régler la succession.
Depuis quelques chapitres, le ton se fait plus grave. Il semble que Musil, en même temps que son personnage, abandonne son ironie.
Ainsi se termine la lecture du premier tome de L'Homme sans qualités, et avec elle ce blog, au moins pour le moment : je ne pense pas, en effet, enchainer immédiatement avec le second tome. On verra le mois prochain, ou même l'an prochain.
Je réouvre une page de ce tome au hasard : page 422, dans le chapitre 79 (« Soliman amoureux »). Le romancier entre ici dans l'esprit de Rachel, la petite servante à l'esprit romanesque : la lecture est donc, forcément, plus facile que lorsqu'il s'agit de pénétrer avec lui dans les tunnels de l'esprit prompt aux métaphores et aux généralisations d'Ulrich. Elle découvre l'excitation que peut procurer l'espionnage des activités de ses maitres. Musil nous presente l'Action parallèle (et, à travers l'Actiol parallèle, l'Autriche entière) sous tous les aspects qu'elle peut prendre, y compris à travers un trou de serrure (dont l'œil « avait un pouvoir qui, assez étrangement, rappelait à Rachel le temps depuis longtemps oublié où elle avait perdu son honneur »).
Retour sur les premières pages du roman, avec un regard riche de la familiarité acquise au cours de 800 pages de lecture intense avec les personnages, les circonstances, le style, les thèmes de réflexion du roman.
Le premier chapitre prend la forme d'un zoom (comme dans le premier plan de certains films) qui va de l'échelle quasi-planétaire (« On signalait une dépression au-dessus de l'Atlantique ; elle se déplaçait d'ouest en est en direction d'un anticyclone situé au-dessus de la Russie... ») à deux piétons et un accident de voiture dans les rues de Vienne. Les deux piétons ressemblent à Paul Arheim et Diotime et parlent comme eux, mais le narrateur nie qu'il s'agisse d'eux (ce à quoi le lecteur ne prête aucune attention, car il ne connait pas ces noms et peut donc
les croire choisis au hasard).
Un premier exemple de « médiatisation » par la technique, qui permet aux quidams de se sentir extérieurs aux phénomènes dont ils sont témoins : l'homme explique une raison possible de l'accident, ce qui suffit à soulager la femme car « il lui suffisait de savoir que l'affreux incident pût être intégré ainsi dans un ordre quelconque, et devenir un problème technique qui ne la concernait plus directement. Du reste, on entendait déjà l'avertisseur strident d'une ambulance, et la rapidité de son intervention emplit d'aide tous ceux qui l'attendaient. Ces institutions sociales sont admirables. (...) On s'en alla, et c'était tout juste si on n'avait pas l'impression, justifiée, que venait de se produire un événement légal et réglementaire. »
Posté par thbz à août 26, 2010 07:52 AM