Le Silence |
20 septembre 1998 |
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Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme un conte. Il y
avait un enfant, qui s'appelait
Khorsid. Ce n'était pas un enfant comme
les autres ; il était blond, alors que
dans son pays tout le monde avait les
cheveux noirs. Il avait une bonne amie,
une jeune fille du nom de Nadereh. Elle
avait des nattes longues, longues jusqu'au
sol, une robe de toutes les couleurs, des
pétales de fleur à la place des ongles, et
le plus beau visage de jeune fille du
monde.
Mais Khorsid ne voyait rien de tout cela, car il était
aveugle. Il se déplaçait les mains en avant pour
éviter les obstacles. Ce qu'il voyait, lui, ce
qu'il aimait passionément, c'était les sons : le
bourdonnement de son abeille, les instruments à
corde, les douces voix des jeunes filles. Il les
aimait tellement qu'il était capable de suivre
un son entendu dans la rue, et de se perdre dans
la ville. Par dessus tout, il recherchait une
certaine musique inconnue, qui venait d'un pays
lointain.
Il n'était pas riche, Khorsid. Il devait travailler, malgré
son jeune âge, chez un patron vieux et
méchant. Et sa mère le pressait de ramener de
l'argent, pour payer un propriétaire encore plus
méchant. Alors Khorsid faisait ce qu'il pouvait
mais ce n'est pas facile quand on est aveugle,
tout petit, et qu'on aime trop les jolis
sons.
C'est donc un conte, moins par l'histoire que par les
personnages, à cause de la jeune fille, ange
protecteur, à cause de l'enfant qui poursuit une
quête dont l'objet n'apparaît que peu à
peu. C'est un conte parce que les personnages
s'acceptent tels qu'ils sont, sans étonnement,
et remplissent le rôle qui leur est
assigné. C'est un conte oriental, enfin, par
l'éblouissement permanent des sens : aux sons
qui occupent l'esprit de l'enfant répondent pour
le spectateur les couleurs vives des vêtements,
le pittoresque du marché ou les promenades au
bord du lac. Les images sont comme une
représentation visuelle de l'univers tel qu'il
est appréhendé par l'enfant. Les visages qu'il
caresse sont vus en gros plan ; les gens qu'il
aime sont beaux, tandis que ceux qui le
maltraitent n'ont même pas de visage. D'une
manière générale, le film cherche plus à décrire
qu'à raconter.
Bien sûr, le formalisme du film agace au début, et la fin est
plutôt ratée. Makhmalbaf y a mis trop d'élément
biographiques comme les cinéastes Iraniens, et
Mahkmalbaf en particulier, aiment bien se mettre
en scène, je suppose que l'enfant-chef
d'orchestre, c'est lui, le réalisateur. Mais
c'est un détail le film est d'abord une belle
évocation d'un monde un peu différent.
Le Silence (Sokhout) - Mohsen Makhmalbaf
Thierry Bézecourt
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